Etat des lieux de la création des PME en Côte d’Ivoire
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09/11/2020Chômage Technique, une conséquence de la Pandémie du COVID-19.
Devant certains imprévus à forte incidence sur le fonctionnement normal des entreprises, l’on est souvent amené à s’interroger sur les conditions prévues par la législation pour résilier certains engagements.
Gabriel VARANGO (l’auteur) est consultant en Ressources Humaines et Legal Advisor. Il est Directeur Associé d’une structure de la place et intervient comme formateur à MDE Business School.
Le saviez-Vous ?
Avec l’avènement de la pandémie du COVID-19, le monde entier a été impacté de manière brutale et significative et la Côte d’Ivoire n’a pas été épargnée.
Aussi très vite les autorités ont réagi et des mesures barrières (sanitaires sécuritaires) ont été mises en place pour protéger les populations et notre environnement.
L’organisation du travail a considérablement changé afin de s’adapter à cette nouvelle réalité (le télétravail, le travail à temps partiel ou par rotation des effectifs).
Avec la fermeture des frontières (aéroports) et des industries de par le monde, le commerce international paye également un lourd tribut entrainant ainsi une baisse drastique de nos activités économiques et par ricochet de sérieuses difficultés pour nos entreprises et le monde des affaires.
La santé des personnes, la santé de nos entreprises, et des industries sont rudement éprouvées. Dans un tel contexte, comment pouvons-nous protéger les entreprises tout en préservant l’emploi ?
Bien entendu, le pouvoir normatif de l’employeur qui consiste à organiser le travail en entreprise, lui a permis d’anticiper certaines mesures provisoires telles, le travail « on-line » à domicile appelé communément télétravail, le départ en congés pour ceux des employés ou travailleurs qui remplissent les conditions légales, ou la présence effective d’une partie des effectifs au sein des entreprises en respectant la distanciation exigée par les autorités sanitaires…etc.
Toutes ces mesures auront une portée limitée si la crise perdure et va au-delà d’un délai raisonnable (laissé à l’appréciation de chacun). Tel est déjà le cas puisque les premières mesures ont été communiquées depuis le 16 Mars et il semblerait que le « bout du tunnel » soit encore assez loin. Aucune visibilité sur la situation pour le moment en Côte d’Ivoire, puisque tous les jours de nouveaux cas de contamination se déclarent.
Pour le monde de l’entreprise, dans ce cas, il serait judicieux de passer, à une autre étape plus difficile dont les conséquences sur les individus, sont tout de même, plus digestes. Il est donc opportun de scruter les dispositions légales en matière du droit social et du travail pour trouver l’outil adéquat qui n’est autre que le chômage technique.
Bien entendu certains pourraient, d’ores et déjà, opter pour une procédure plus radicale telle la suppression de postes et donc un licenciement individuel ou collectif.
A ce stade, nous préconisons plutôt le dispositif du chômage technique, plus que jamais d’actualité.
C’est une mesure de suspension du contrat de travail sur une période ponctuelle et déterminée et prévue par le code de travail et la convention collective.
D’emblée, nous pouvons vous affirmer que le chômage technique est soumis tant à des conditions de forme (I) qu’à des conditions de fond (II) et entraine des conséquences en cas de refus des salariés (III).
Les conditions de forme du chômage technique
L’information de l’inspecteur du travail de la suspension partielle ou totale d’activité
L’article 5 du décret n 96-209 du 07 mars 1996 relatif aux obligations des employeurs dispose que :
« Une déclaration particulière doit être faite à l’inspecteur du travail et des lois sociales territorialement compétent dans les cas suivants :
- Cessation partielle ou complète de l’activité de l’entreprise qu’elle qu’en soit la durée et reprise de l’activité ;
- Cessation définitive de l’entreprise ou de l’établissement (…) ;
La déclaration doit être faite préalablement à l’événement qui l’a motivé et au plus tard huit (08) jours après » ;
Qu’il en résulte que l’employeur qui cesse partiellement ou totalement ses activités est tenu d’en informer l’inspecteur du travail.
La décision de chômage technique étant liée à la suspension partielle ou totale de l’activité de tout employeur, il est conseillé préalablement d’en informer l’inspecteur du travail de l’arrêt de l’activité et ce dans le délai précité.
L’information des délégués du personnel et l’inspecteur du travail
De la combinaison des articles 16-11 du Code du travail et 24 de la Convention Collective Interpersonnelle, il ressort que toute décision de mise en chômage technique ou de son renouvellement doit être notifiée aux délégués du personnel et à l’inspecteur du travail.
En légiférant ainsi, le législateur a entendu mettre en place un dispositif protecteur pour le salarié en raison de l’abus qui pourrait résulter de l’utilisation par l’employeur de la mesure de chômage technique.
Cette mesure d’information des délégués du personnel et de l’inspecteur du travail vise à permettre à ceux-ci un contrôle sur la régularité de la procédure de consultation et sur les mesures sociales d’accompagnement qui doivent être proposées par l’employeur.
C’est pourquoi, la jurisprudence constante ivoirienne considère abusif :
« Le licenciement intervenu par refus de mise en chômage technique des salariés, en l’absence de preuve de l’information des délégués du personnel et de l’inspecteur du travail » ;
Il apparait donc qu’à l’état actuel de la législation sociale ivoirienne, la première condition pour réussir un chômage technique est non seulement l’information des délégués du personnel et de l’inspecteur du travail, mais aussi et surtout la tenue d’une réunion d’explications visant à faire accepter la mesure envisagée.
A ces formalités s’ajoute celle de la notification de la mesure de mise en chômage technique.
Les mentions de la lettre de mise en chômage technique
Les alinéas 2 et 4 de l’article 16-11 du code du travail énonce que :
« La décision indique la durée de la mise au chômage technique ainsi que les compensations salariales éventuelles proposées aux salariés (…)
En tout état de cause, la mise en chômage technique ne peut être imposée au salarié, en une ou plusieurs fois, pendant plus de deux mois au cours d’une même période de douze mois. Passé le délai de deux mois, le salarié a la faculté de se considérer comme licencié »
Il en résulte que la décision de chômage technique doit mentionner précisément non seulement la durée de la mesure qui ne saurait excéder (2) deux mois, mais aussi et surtout le salaire proposé aux personnes visées par la mesure sous peine d’être requalifiée de licenciement abusif.
Qu’à cet égard, la jurisprudence constante considère que :
« Au-delà de la période légale de suspension des relations professionnelles pour cause de chômage technique, cette mesure entraine une modification substantielle du contrat de travail » ;
Vous conviendrez alors que la seconde condition est la précision dans la lettre de mise en chômage technique du délai qui ne saurait excéder 2 mois et des compensations salariales.
Le respect de ces conditions ne suffisent pas à elles seules, encore faut-il que les conditions de fond soit remplies.
Les conditions de fond
La lecture de l’article 16.11 du code du travail pose comme conditions du chômage technique des difficultés économiques graves, ou d’évènements imprévus relevant de la force majeure, le fonctionnement de l’entreprise rendu économiquement ou matériellement impossible, ou particulièrement difficile qui poussent l’employeur à décider de la suspension de tout ou partie de son activité.
Il en résulte que tout d’abord, l’employeur doit justifier de la suspension, de la cessation partielle ou totale de son activité.
Ensuite cette suspension ne doit avoir pour autre cause que des difficultés économiques graves, des événements imprévisibles et irrésistibles et un fonctionnement anormal de l’entreprise.
Ces différents éléments doivent réellement être établis, car le chômage technique ne doit pas être utilisé pour éluder certaines règles ou prendre les allures d’un licenciement pour motif économique déguisé.
Les conséquences du refus du salarié
Il résulte de l’article 24 de la convention collective interprofessionnelle que :
« L’employeur peut, à la suite d’une diminution d’activité ou de tout autre événement, mettre ses employés en chômage technique » ;
L’alinéa 2 dudit article précise que :
« La suspension provisoire des contrats de travail qui en découle ne peut être effective sans l’accord préalable des travailleurs concernés, faute de quoi, ces contrats de travail sont considérés comme rompus du fait de l’employeur » ;
Ainsi, le travailleur est totalement libre d’accepter ou de refuser la mise en chômage technique ;
Dès lors, la mise en chômage technique ne peut être imposée au salarié qui a le droit de refuser ;
Ce refus ne constituant pas une faute du salarié, l’employeur doit se garder de procéder à son licenciement pour faute lourde.
Il doit plutôt entamer une procédure de licenciement légitime qui donnera droit au salarié aux seules indemnités légales de rupture.
Que retenir ?
Au terme de notre analyse de cette étape, nous pouvons conclure que le législateur a prévu des mesures de suspension du contrat de travail pour permettre à l’employeur de faire face à certains événements imprévus qui impactent le mode de fonctionnement de nos entreprises.
Dans le cas d’espèces du COVID-19 ; l’Etat de Côte d’Ivoire a pris la décision de la fermeture, des écoles, universités, des restaurants et autres lieux (bars etc.) suite à la survenance de la pandémie dans le pays. A mon avis cela pourra être considéré comme des évènements imprévus relevant de la force majeure.
Il vous appartiendra par ailleurs de vous adresser aux organismes de prévoyance sociale pour les mesures relatives à la suspension de vos formalités relatives à la caisse de vieillesse.
Chaque dirigeant devra déployer sa stratégie en utilisant les canaux de communication que lui confère le cadre légal.
Gabriel VARANGO