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31/07/2017Qu’est-ce que je peux faire pour gagner plus d’argent ou qu’est-ce qu’on devrait faire pour améliorer ses performances financières ? En d’autres termes, comment améliorer davantage son compte de résultats ? La réponse à cette série de questions cruciales aux yeux des entrepreneurs et autres responsables d’entreprises, a été donnée le vendredi 10 mars à l’Ivoire Golf Club à l’occasion d’un cours magistral dispensé par Josep Maria More, expert en finance. Il était le conférencier spécial de la MDE Business School. Maria Josep More a manifestement conquis son auditoire constitué de chefs d’entreprises désormais outillés pour booster leurs comptes financiers.
La question de l’amélioration du compte de résultat renvoie à la comptabilité, à la stratégie et à la créativité. Pour parvenir à cet objectif de rentabilité Josep Maria More a préconisé de nouvelles idées lors de son cours, tout en incitant les entreprises à réfléchir de façon globale à la stratégie pour atteindre leurs objectifs financiers. « Tout ce que nous allons évoquer, vous l’avez déjà entendu sans doute. Mais sachez que même si vous pensez que tout a été déjà dit, il reste encore un espace d’amélioration », a-t-il indiqué avant d’entrer dans le vif du sujet. En prélude au chapitre sur l’application ou la mise en pratique de façon concrète de sa méthode pour une amélioration du compte des résultats, il a cité Kenneth O’donnell pour qui « Le monde change d’une manière si dramatique que nous n’avons que deux options : changer consciemment ou être changé par la force ». Cela est « vrai dans la mesure où on ne se rend pas compte de la vitesse du changement. Je me demande combien de personnes se rappellent la période des Fax. Aujourd’hui on parle plutôt de technologies de l’information et de la communication », a-t-il ajouté. Cette pensée sur le changement doit être selon lui intériorisée par les acteurs stratégiques des entreprises.
Toujours selon Josep Maria, dans le champ de l’entreprise, le changement doit se traduire par une progression exponentielle : « Nous ne pouvons plus gérer nos entreprises comme l’ont fait nos parents. On risque de commettre beaucoup d’erreurs en faisant cela. Comme l’a dit Einstein, durant les moments de pires crises, seule l’imagination est beaucoup plus importante que la connaissance. La question que je me pose toujours, c’est « quelle est la logique fondamentale dans la création de valeur ? Je sais pourquoi le client achète mes produits ou a recours à mes services. Parce que je dois savoir pourquoi il s’intéresse à mes produits. En revanche, quelle est l’équation qui transforme cette valeur générée en unité monétaire ? C’est cela la question fondamentale ». À en croire le conférencier, la solution à cette équation passe nécessairement par un changement de paradigme. Ce changement devrait faire que les choses bougent. Par conséquent il a exhorté l’auditoire à réfléchir à la manière de faire les opérations aujourd’hui car lorsqu’on parle de comptabilité, c’est une façon de voir les comptes des résultats. Et le compte des résultats est toujours lié aux ventes ou aux services qu’on offre sur un marché.
Définir son modèle d’affaire
L’analyse des entreprises est déterminée par la mesure des résultats. À partir de ce postulat, le conférencier a incité tout manager des finances à se poser les questions légitimes suivantes : Est-ce que j’ai des produits assez différenciés de ceux de la concurrence ? Quel est mon pouvoir d’achat ? D’autres questions subsidiaires ont découlé de son analyse : « En ce qui concerne la politique des ressources humaines, si je fais une bonne politique d’embauche, de formation ou d’apprentissage, je peux être compétitif Je peux également faire des économies d’échelle pour améliorer mon compte. Je peux par ailleurs miser sur l’innovation, c’est-à-dire qu’est-ce que je peux faire que mes concurrents ne font pas ? Est-ce que je connais bien mes affaires (produits, marchés, clients) pour en tirer un avantage concurrentiel ? ». Cette série de questions permet, selon Josep Maria More, de faire une analyse rationnelle de son business et de devenir le leader ou le roi du marché. « Plus je peux vendre, plus je vais gagner parce que je suis indispensable dans un marché commercial », a-t-il précisé. Aussi est-il indispensable de définir son modèle d’affaire que le conférencier présente comme la façon dont une entreprise est en compétition avec l’objectif de créer et de capturer de la valeur. Et la chaîne de valeur, à l’instar de la carte des activités, est utile pour comprendre l’avantage comparatif. « Nous sommes d’abord toujours en compétition avec pour objectif de créer de la valeur. La seconde équation, c’est comment transformer cette valeur en argent. Il s’agit par conséquent de savoir ce que je vends et comment je le vends pour en tirer un avantage concurrentiel », a-t-il souligné pour clore le chapitre sur le modèle d’affaire. « Il faut l’innovation en brisant les modèles anciens pour saisir de nouvelles opportunités. La Côte d’Ivoire, c’est le pays des opportunités, donc nous pouvons toujours aller plus loin ». C’est par cette note d’optimisme que Josep Maria a entamé le dernier chapitre de son cours magistral.
De façon pragmatique, Il a vivement recommandé de réfléchir au projet et à la vision professionnelle qu’on souhaite construire. Et établir surtout des objectifs stratégiques. Mais pour réussir cette étape, le professeur Josep Maria est resté fidèle à sa méthode qui se résume en un questionnement perpétuel. « Quels clients je veux chercher ou quelle part de marché et de quelle façon je vais procéder ? Comment nous sommes vus dans la société, est-ce que nous apportons une plus-value à la société avec notre activité ? ». À la suite de ces interrogations, il a conseillé aux chefs d’entreprises d’avoir une idée claire de ce qu’ils veulent et de ne pas agir pour agir : « Il faut agir en ayant des projets clairs. Il s’agit d’implémenter l’innovation pour croire en dépassant les idées préétablies du secteur, en réduisant les coûts, en augmentant la valeur générée, en créant de nouveaux segments de marché ».
La stratégie « d’être différent »
On peut être en concurrence sur les coûts ou la différenciation. On parle alors de compétitivité-prix ou compétitivité par la qualité. En revanche il existe la stratégie novatrice de « ne pas être en concurrence ». Et cette stratégie se décline, selon l’expert en finance, comme suit : mettre des objectifs stratégiques en place sur 3 ou 4 ans en nous disant que nous devons gagner. (Je veux mettre tel produit sur le marché pour gagner ou réaliser tel objectif financier), établir la logique de création et de capture des valeurs. Après il faut développer avec des projets majeurs. Cependant il est important de distinguer stratégie et tactique. La nuance entre ces expressions, selon le conférencier, mérite d’être évoquée. La stratégie renvoie à la vision d’ensemble. Quant à la tactique, elle implique les opérations de processus dans un contexte donné. « Je veux vous montrer qu’il faut réfléchir d’une façon différente. Il faut par ailleurs segmenter le marché et réfléchir sur les actifs, le pouvoir d’achat et particulièrement sur les offres de produits. L’innovation aujourd’hui est très importante. Une étude américaine a démontré que plus on innove, plus on peut gagner. Nous devons, a-t-il exhorté, expérimenter la stratégie d’être différent pour gagner plus. Etre en concurrence sur le marché par rapport au coût ou la qualité, c’est ce qui est courant. Mais on peut paradoxalement évoquer la stratégie de la non-concurrence parce que je crée un nouveau marché ». Avant de tirer une conclusion partielle, il a encouragé l’auditoire à suivre ses conseils d’expert : « Les produits que nous offrons aux clients sont constitués de nos attributs, nous devons essayer d’identifier nos attributs. Vous devez donc analyser les attributs de vos produits et voir si vous pouvez faire quelque chose de vraiment différent avec l’innovation. En définitive, il s’agit de briser le modèle mental dominant. C’est surtout ce concept phare que le conférencier propose comme une règle d’or dans le business. Et il consiste à dépasser les visions traditionnelles dans le monde des affaires pour être les pionniers, les créateurs de nouveaux marchés, de nouvelles tendances et surtout incarner la modernité et l’innovation. Toujours dans la stratégie d’« être différent », le conférencier s’est appuyé sur des exemples concrets notamment « l’hôtel formule 1 » dont il a mis en évidence les attributs pour montrer comment cette entreprise s’est démarquée et a surtout surclassé la concurrence. À l’aide d’un graphique, l’auditoire a pu apprécier les attributs de cette entreprise qui en font sa marque de fabrique. Il s’agit entre autres du prix, du restaurant, de l’esthétique dans l’architecture, du joli lobby, de la taille des chambres, de la réception, de la commodité du mobilier, de la qualité du lit, de la propreté, du calme ambiant. Cette entreprise hôtelière a pu avoir du succès auprès d’une large clientèle de touristes qui vont à « l’hôtel seulement pour dormir et profiter d’un sommeil réparateur ».
Son second exemple a porté sur le grand phénomène des cafétérias dénommées « starbucks ». Starbucks coffee a mis en place un schéma révolutionnaire de cafétérias qui est né à partir du café nespresso italien, fabriqué et servi par des Nord-Américains. Selon Maria Josep More, les courbes de valeur pour les cafétérias starbucks se sont transformées radicalement. Le prix, la carte de repas, le service à la table, le lieu pour se relaxer, les boissons faites sur le champ, la variété de boissons « gourmet », l’accès à internet, café en grain qu’on peut emmener chez soi, un endroit propice pour trouver une âme soeur ont constitué les composantes attractives des produits, des services et de la livraison de ladite entreprise. Ils ont aussi ajouté dans leur chaîne de valeur « l’espresso dating », un site internet avec beaucoup de commodités pour connaître des personnes, se faire des amis, pour lire, pour naviguer sur Internet ou pour tomber amoureux. Starbucks a par ailleurs innové en vue d’étendre son marché en commercialisant une gamme de produits variés (des livres, des CD de musique, des films, des machines pour la préparation de différents types de café, une boutique on-line, des articles publicitaires de la chaîne).
Capturer de la valeur Le dernier exemple dont s’est servi le conférencier pour illustrer son concept (la stratégie d’être différent) est un restaurant appelé Ferràn Adrià. Cette entreprise avait des arguments de vente de taille.100 mètres carrés dans deux salles semblables, une décoration traditionnelle, vaisselle et couverts d’un design adapté à chaque plat, une cadence parfaite dans le service, des serveurs en uniformes noirs, relation étroite, sans attention excessive dans le service, ambiance détendue et informelle « comme à la maison ». Dans la stratégie de cette entreprise : « processus du client = capacité ». Ce qui se traduit par 8 000 places annuelles disponibles, plus de 400 000 réservations par an. Ils disposaient d’une liste de réservation de « dernière heure », on pouvait réserver via le web. Les attributs stratégiques de Feràn Adrià étaient le plaisir, la passion, l’amusement, le travail en équipe, la force créatrice, le goût, le génie, le jeu, la magie, l’imagination etc. Selon Maria Josep More, le succès de ce restaurant est dû à la créativité de son propriétaire Ferràn Adrià, quelqu’un qui a brisé le design, la conception et la manière de présenter les plats. Il a cassé les moules de la gastronomie. Sur ses tables, on peut déguster des glaces salées, des gélatines chaudes, des mousses avec milk-shakes, du sel avec des friandises etc. En définitive, le conférencier a mis en opposition « deux logiques de création de valeurs ou d’unités monétaires : la logique conventionnelle et la logique avec value innovation ». La première consiste à vaincre la concurrence à tout prix, à retenir et élargir la base des clients, à penser en termes de différence, à offrir des produits et des services déterminés par le secteur d’activité. La seconde consiste, quant à elle, à modeler les conditions du secteur et les adapter aux nouvelles conditions, à proposer un grand saut en valeur et générer des éléments « différentiateurs », à cibler la masse des acheteurs, à penser en termes de solution pour le client avec des produits et des services qui marquent la différence. Et briser le modèle mental dominant implique selon le conférencier , de briser un certain nombre de barrières : les barrières de ressources (ressources limitées), les barrières de perception (le statu quo, c’est-à-dire l’image ou la notoriété de l’entreprise n’évolue pas de façon qualitative), les barrières de motivation (personnel démotivé) et enfin les barrières politiques (opposition de différents intérêts).Aussi a-t-il proposé des leviers de performance qui se résument entre autres à explorer les industries alternatives (concurrence, produits alternatifs), les groupes alternatifs (concurrents avec stratégie similaire, identifier les raisons de déplacement des clients : prix, rendement et 9), la chaîne des acheteurs, les services complémentaires (que se passe-t-il avant, pendant et après qu’un produit ait été utilisé ?), explorer à travers le temps (identifier et comprendre les tendances : valeur client, modèle d’affaires). En guise de conclusion à son cours magistral, Maria Josep More a incité vivement chaque entreprise à dresser sa carte de courbe de valeur en identifiant les attributs de ses business ou affaires, le niveau de perception du client c’est-à-dire les facteurs clefs de succès.
Les échanges de Maria Josep More avec l’auditoire…
Les produits doivent-ils être considérés par les clients du point de vue de l’entreprise ou de celui du marché ?
Josep Maria : Il s’agit du niveau de perception du client par rapport à vos produits. En d’autres termes les attributs de votre offre de produits par rapports à la concurrence.
Comment le modèle que vous avez proposé peut-il être mis en pratique ?
Il faut d’abord avoir un leadership personnel pour pouvoir changer les choses dans votre organisation. Il s’agit, comme nous l’avons souligné, de briser le modèle mental dominant. Voir, penser les choses autrement pour que votre business prenne une autre dimension. Il faut donc opérer une analyse personnelle de votre affaire ou la maquette de votre business. Ensuite réfléchir sur ce qui nous empêche ou les éventuels obstacles et comment lever ces obstacles.
Comment créer cette culture d’entreprise où l’innovation rentre dans les habitudes sans aussi remettre en cause tout de manière systématique ?
Il faut surtout comprendre qu’on va passer par une période avec des comptes de résultats mauvais, on va passer par des sentiers battus. Il y aura des sacrifices à faire et accepter qu’il y aura des moments de flottements. Mais au bout du compte, il s’agit de rester fidèle au concept que nous avons évoqué, à savoir briser le modèle mental dominant. Penser stratégiquement de manière différente par rapport à la concurrence, au marché ou aux clients. Il ne faut pas s’éterniser dans un même processus (ndlr, acheter un produit, le stocker puis le vendre). Il est possible d’innover et même de créer soi-même un marché où on est roi.
Le modèle que vous proposez nous incite à être les pionniers sur un marché mais ce qu’on remarque souvent, c’est que les pionniers sont parfois rattrapés par la concurrence. Si on choisit ce modèle on doit constamment innover. Aujourd’hui il y a de nouvelles tendances. Comme il est possible d’être rattrapé, il faut aller vers des niches où personne ne voudrait s’aventurer, où il n’y a pas de concurrence. Comment voyez-vous cet autre modèle ?
On revient à ce qu’on a vu. C’est-à-dire le changement en permanence. Prenons l’exemple de la téléphonie mobile avec les lphone. C’est une dynamique d’innovations presque tous les ans. L’innovation est nécessaire et nous devons donc saisir de nouvelles opportunités pour récolter des avantages concurrentiels.
Parallèlement aux questions-réponses, l’auditoire a fait quelques contributions sur le thème.
✓ On a beau innover, il faut toujours rester en alerte parce que la concurrence n’est pas inactive. Comme il a été dit, il
ne faut pas lutter contre la concurrence mais plutôt l’intégrer comme une donnée de gestion. Donc la question c’est, comment je dois faire pour me maintenir (ndlr en pôle position sur le marché). Comme l’a dit le conférencier, l’innovation c’est du « in », c’est-à-dire que je suis toujours dedans. L’innovation ne renvoie pas toujours à quelque de grandiose, elle peut se faire sur un tout petit détail. Lorsqu’on est rattrapé par la concurrence, on réfléchit à nouveau pour aller de l’avant. Il faut l’intégrer à la culture d’entreprise, c’est-à-dire entretenir nos collaborateurs sur le concept d’innovation. La notion de stratégie est parfois galvaudée. L’innovation, quant à elle, peut être une simple idée et non de grandes constructions intellectuelles qui ne sont pas évidentes à saisir par le personnel. C’est donc le rôle des responsables et cadres d’entreprise d’entretenir les collaborateurs sur ces nouveaux paradigmes de connaissance.
✓ En ce qui concerne la création de nouveaux marchés, où on est seul et roi, il faut retenir que la concurrence finira par y entrer à un moment donné. Il y a certains auteurs qui préconisent que, lorsqu’on veut grandir, généralement par la création, il faut qu’il ait une synergie avec son métier de base. C’est vrai que certains se sont lancés dans de nouveaux métiers avec succès, mais ces penseurs recommandent de ne pas perdre de vue le cœur de métier de l’entreprise.
IRHMag N° 18 Mai-Juin 2017